« Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de Frères, que

notre patrimoine d’idées disparaît »

Le Frère Jean Mbeshi

 

Rédaction: Mattias Devriendt, photographie: Károly Effenberger

 

VOUS LE CONNAISSEZ peut-être à travers un voyage, car depuis 13 ans, il voyage en tant qu’assistant général dans plusieurs pays dans le monde pour encourager, soutenir et aider les Frères dans les différentes régions où la Congrégation est active. Fils d’infirmier, il fait des études d’infirmier avant de se lancer des études en gestion. Son travail dans les institutions de santé au contact de malades et personnes en souffrance lui a permis de découvrir sa vocation de Frère de la Charité. »

LA VOCATION DE FRÈRE JEAN MBESHI est de venir en aide aux personnes en difficulté. Il considère que Le Seigneur l’emploie comme une orthèse, temporaire ou permanente, pour soutenir les personnes qui souffrent de maladie ou d’un manque. Il est heureux chaque fois qu’il a aidé un pauvre ou un malheureux à retrouver la joie de vivre ».

IL RECONNAÎT QUE pendant des décennies, les malades mentaux ont été stigmatisés dans la culture africaine. Ils étaient systématiquement mis au ban de la société : on les accusait d’être des sorciers, d’avoir profané les fétiches et d’exercer des forces maléfiques. Cette mentalité a beaucoup évolué dans plusieurs pays, en particulier dans les régions où les Frères de la Charité ont mis en place des soins psychiatriques. Souvent, les Frères de la Charité sont les seuls à proposer une prise en charge des malades mentaux. Le défi est immense. Cependant, grâce à leur expérience et leur professionnalisme, les Frères de la Charité parviennent à sensibiliser les gouvernements à l’importance de sensibiliser la population aux enjeux de santé mentale et à l’urgence de mettre en place des structures d’accueil pour les personnes souffrant de troubles mentaux. En République centrafricaine par exemple, nous avons inauguré l’an dernier le premier centre psychiatrique du pays. La population ignore souvent tout des maladies mentales. Toutefois, en associant les familles et l’entourage des malades à la prise en charge des patients et aux thérapies, les Frères de la Charité obtiennent de bons résultats, tandis que la population commence progressivement à prendre conscience des problèmes et de la souffrance des personnes atteintes de troubles mentaux ou psychologiques. On ne parle plus de fous ou de folles, mais de MALADES qui peuvent être soignés et stabilisés.

SELON LE FRÈRE JEAN MBESHI, le travail réalisé en Afrique est en tous points similaire à la démarche mise en place en Europe : prendre en charge et soigner les malades en associant la famille. En Europe, les soins sont davantage axés sur la personne malade que la famille pour des raisons culturelles. En Occident, la société est plus individualiste. En Afrique, par contre, c’est la communauté qui prime. La maladie mentale est liée à plusieurs facteurs, c’est pourquoi, nous considérons toujours le patient et son cadre de vie. Cette approche holistique doit aussi permettre au patient de retrouver plus rapidement une vie normale au sein de la société à l’issue de la période de prise en charge. Certains malades doivent malheureusement rester internés, mais leurs familles viennent les visiter régulièrement ».

IL DÉPLORE la fragilité des institutions démocratiques et l’absence de réel développement économique en République démocratique du Congo, le pays dont il est originaire. « La situation est dramatique. L’économie du pays est à son plus bas niveau, la situation politique est totalement bloquée, le taux de chômage et de pauvreté est parmi les plus élevés d’Afrique et aucun changement n’est envisageable à court terme. C’est précisément face à ce type de situation que la mission des Frères de la Charité fait sens et que nous devons redoubler de créativité et ne pas ménager nos efforts. En plus de nos œuvres de charité, nous sommes amenés à devenir des agents du développement économique : nous devons sensibiliser la population à l’urgence et l’importance de se prendre en charge, nous savons que nous ne pouvons espérer aucune aide de l’état au cours des 10 à 15 prochaines années. »

FRÈRE JEAN MBESHI EST AUSSI INTIMEMENT CONVAINCU de l’importance des ordres religieux, notamment de l’ordre des Frères de la Charité, y compris en Occident : « Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus des Frères dans les instituts que notre PATRIMOINE SPIRITUEL va disparaître. Non ! Les Frères ont fait œuvre utile. Ils ont insufflé une vision et un esprit qui sont perpétués aujourd’hui par les collaborateurs laïcs chargés de l’enseignement et des soins aux malades : l’héritage a été préservé.  Aujourd’hui, l’État a pris en charge l’enseignement et les soins de santé. La présence des religieux n’est plus aussi indispensable dans ces deux secteurs. Cependant, on constate que l’Europe a perdu ses valeurs spirituelles, son authenticité et ses racines chrétiennes. La solitude, l’individualisme, la perte des repères, les suicides sont autant de maux auxquels la société actuelle doit faire face. C’est aux religieux qu’il revient de donner du sens et de l’humanité à notre quotidien. »

 

Portrait de Frère Jean Mbeshi

  • Frère Jean Mbechi est né en 1959 à Lusanga, une petite ville située au centre du Congo. Cela fait à présent 30 ans qu’il a rejoint les Frères de la Charité.
  • Après des études d’infirmier, il a suivi une formation en gestion des ressources humaines et résolution de conflits. Il a travaillé ensuite au centre de formation des Frères de la Charité au Congo, avant d’occuper une fonction d’Econome provincial.
  • De 1992 à 2000, il a été directeur de plusieurs hôpitaux psychiatriques, centres pour handicapés physiques et centres d’aide sociale à Katwambi, Goma, Kisangani et Kinshasa.
  • En 2000, il est nommé Supérieur régional pour la République du Congo.
  • En 2004, il quitte le Congo pour Rome où il a été nommé assistant auprès de l’Administration générale de la congrégation.
  • Actuellement, il aimerait reprendre le flambeau de sa vie apostolique et pouvoir retourner travailler au Congo.

 

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